Vote mobile : un effort de plusieurs millions de dollars pour réinventer la démocratie

19

Bradley Tusk, un consultant politique connu pour ses tactiques agressives et ses premiers succès avec Uber, est à la tête d’un effort controversé visant à introduire le vote mobile aux États-Unis. Soutenue par un investissement de 20 millions de dollars et en pleine croissance, sa Mobile Voting Foundation vise à augmenter la participation électorale en permettant aux citoyens de voter directement depuis leur smartphone. L’initiative, construite autour du protocole open source VoteSecure, se heurte au scepticisme des experts en sécurité, mais gagne du terrain lors des élections locales, avec des programmes pilotes déjà en cours en Alaska.

Le problème que Tusk vise à résoudre

Tusk soutient que le faible taux de participation électorale, en particulier lors des primaires et des élections hors année, incite à un comportement politique extrême. Avec seulement un faible pourcentage de l’électorat participant, les élus sont récompensés pour s’être adressés aux segments les plus bruyants et polarisés de la population. En rendant le vote plus accessible, Tusk pense pouvoir forcer les politiciens à modérer leurs positions et à répondre aux préoccupations plus larges du public. « Si le taux de participation aux primaires est de 37 pour cent au lieu de 9 pour cent, les incitations politiques sous-jacentes qui poussent un élu à changer le poussent vers le milieu », déclare-t-il.

La technologie : VoteSecure

Le cœur du plan de Tusk est VoteSecure, un protocole basé sur la cryptographie développé en collaboration avec l’expert en sécurité Joe Kiniry. Le système permet aux électeurs de vérifier l’exactitude de leur bulletin de vote et de confirmer que leur vote a été reçu et enregistré. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une solution de vote complète en soi, VoteSecure est conçu comme un composant backend sécurisé qui peut être intégré à l’infrastructure électorale existante. Tusk a l’intention de faire pression en faveur d’une législation aux niveaux municipal et local pour piloter le vote mobile lors d’élections plus petites, en commençant par les commissions scolaires et les conseils municipaux.

Problèmes de sécurité et opposition

Malgré la confiance de Tusk, l’initiative se heurte à une forte opposition de la part des principaux cryptographes et experts en sécurité. Ron Rivest, co-créateur du protocole de cryptage RSA, affirme que le vote mobile n’est pas encore suffisamment sécurisé pour une utilisation généralisée. Il critique l’approche de Tusk consistant à promouvoir une mise en œuvre dans le monde réel avant un examen rigoureux par les pairs et une validation scientifique. « Mettre du code ne suffit pas », dit Rivest.

David Jefferson, informaticien spécialisé dans les systèmes de vote, fait écho à ces préoccupations, soulignant que même une cryptographie parfaite ne peut éliminer toutes les vulnérabilités du vote en ligne. Le risque fondamental demeure que les appareils mobiles soient vulnérables au piratage, aux logiciels malveillants et à la coercition, ce qui fait du vote sécurisé un défi majeur.

La voie à suivre

La stratégie de Tusk consiste à prouver la faisabilité du vote mobile par le biais d’expériences à petite échelle et de mesures législatives. Il pense qu’une fois que la technologie deviendra familière et fiable, la résistance diminuera. Son approche est similaire à celle d’autres innovations technologiques : commencer petit, prouver le concept, puis passer à l’échelle.

Le succès de cet effort dépend de la résolution des problèmes de sécurité et du renforcement de la confiance du public. Si Tusk parvient à démontrer que le vote mobile est à la fois sécurisé et fiable, cela pourrait changer fondamentalement la manière dont les élections se déroulent aux États-Unis. Cependant, si les vulnérabilités sont exploitées ou si la confiance est brisée, l’ensemble de l’initiative pourrait s’effondrer.

“Une fois le génie sorti de la bouteille, ils ne peuvent plus le remettre, n’est-ce pas ? C’est vrai pour toutes les technologies sur lesquelles j’ai travaillé.” -Bradley Tusk

L’avenir du vote mobile reste incertain, mais les efforts agressifs de Tusk imposent un débat sur la manière de moderniser la démocratie à l’ère numérique.